Ainsi sont conçus de bons produits

La conception de produit est moins subjective que la conception dans d’autres domaines. Les décisions ici doivent être justifiées par l’utilité et par l’optimisation des matériaux. Cette objectivité relative de la conception de produit exige des processus différents de création et de validation d’idées.

Ernest Perera, professeur de conception de produit de l’école LCI Barcelona, estime que la conception de la chaise nº 14 Thonet (1859) est sublime. « Elle montre comment, grâce à une vision complète de la conception et des nouvelles technologies, on obtient un produit entièrement nouveau. Une chaise construite avec un minimum de pièces (6 pièces) pour faciliter la production, qui est démontable, pour faciliter le transport et la commercialisation (on peut loger 36 chaises dans un mètre cube!) et qui offre une transparence formelle lui permettant de s’intégrer dans n’importe quel espace. »

Il vante aussi la conception de l’Hippo Roller (1997), un bidon d’eau que l’on peut transporter en le faisant rouler grâce à une poignée, « un projet visant clairement l’amélioration de la qualité de vie des populations les plus défavorisées ».

Un troisième exemple de conception qui lui plaît est celui de la Node Chair (IDEO) (2010), car elle se basait sur un design thinking où l’on a réfléchi sur ce qui se passait dans les écoles il y a 50 ans et sur ce qui se passe maintenant. « Cela prouve qu’en analysant un projet à partir de nombreux points de vue, on peut parvenir à des solutions beaucoup plus réalistes. »

Pour parvenir à des produits tels que ceux-ci, il faut de l’équipement, de la formation et une méthode de travail. Le professeur Perera parle de l’importance de l’intégration dans le processus de conception d’un produit.

Le domaine de la conception comprend forte dose de subjectivité. Comment les concepteurs de produit assument-ils le fait d’avoir à soumettre leur idée à un supérieur? 

Dans le domaine de la conception de produit, je ne pense pas qu’il a autant de subjectivité que dans d’autres domaines plus artistiques. Un bon concepteur doit être conscient de ce qui motive chacun des choix pour répondre à une demande de produit : quel est le meilleur matériel, le meilleur fonctionnement et, même, la meilleure forme. Si cela est clair, c’est plus facile de défendre son idée face à son « supérieur » (qui, bien que ce soit lui qui paie, il a besoin du concepteur pour continuer à créer des produits concurrentiels).

Alors, est-ce à dire que les concepteurs qui se consacrent à la conception de produits ont moins d’ambition artistique que ceux qui le font dans d’autres secteurs, comme la publicité?

Je crois que l’ambition artistique dans la conception de produit est la même que dans tous les autres domaines. En commençant par une ambition esthétique (nous pourrions rappeler le livre de Raymond Loewy La laideur se vend mal) jusqu’à une ambition expérimentale : communiquer au moyen de la conception de nouvelles valeurs pour la société de l’avenir, la changer et l’améliorer.

Y a-t-il des échelons hiérarchiques aussi marqués que dans d’autres domaines de la conception?

Je ne crois pas beaucoup aux échelons, ce sont des convenances qui sont parfois même élitistes. Nous pourrions dire qu’il existe un ordre ou une méthodologie dans chaque projet. Pour moi tous les acteurs qui participent à un projet sont importants et ont à répondre avec le même professionnalisme. En commençant par le client qui présente la demande de produit (qui souvent ne sait pas exactement ce qu’il veut) jusqu’au dessinateur qui doit savoir communiquer avec des dessins la conception finale au producteur. Nous pourrions dire que le rôle du concepteur est celui d’un chef d’orchestre : il doit comprendre et connaître chaque musicien et proposer la mélodie adéquate pour chaque pièce.

Croyez-vous que faire participer le client dans le processus soit une bonne approche?

Oui, et de plus en plus. Un produit n’a pas sa forme finale lorsqu’on le met sur le marché. Le processus recommence alors, et c’est là que l’on connaît la réponse du public. De cette réponse dépendra l’évolution de la conception. Un exemple très clair est le financement participatif, où non seulement l’acheteur devient investisseur dans le projet, mais il participe aussi à son amélioration avant qu’il ne sorte sur le marché.

Quels sont les avantages du recours aux équipes transversales dans lesquelles tous peuvent contribuer à une idée? Et aux équipes pluridisciplinaires qui associent des spécialistes de plusieurs domaines?

Le fait d’avoir une vision polyédrique dans un projet permet d’améliorer certains aspects, ce qui est parfois difficile lorsque l’on ne compte que sur un seul point de vue. La co-création est une réalité et les grandes entreprises se basent sur celle-ci pour être plus concurrentielles. Ce qui importe, c’est de savoir canaliser toutes ces idées en un résultat optimal. Le concepteur, par sa façon de faire, est le professionnel idéal pour cette fonction.

Quelles sont, à votre avis, les compétences transversales, outre les propres compétences de leur activité, que doivent avoir les personnes qui se consacrent à la conception de produit?

Ils doivent avoir de nombreuses compétences. Savoir poser les bonnes questions et avoir la capacité d’y répondre est une compétence très importante. Il faut aussi savoir appliquer les connaissances techniques sur les matériaux et sur les systèmes de production pour créer des formes et des concepts adéquats. À notre avis, une caractéristique particulière du concepteur de produit est de connaître les différentes méthodes de création d’idées et de savoir les mettre en œuvre.

Étant donné que les professions liées à la conception ont vraiment changé au cours des dernières années et qu’il est prévisible qu’elles continuent de le faire, dans quelle direction pensez-vous que devraient s’orienter les futurs concepteurs de produit?

Chez LCI Barcelona nous sommes convaincus qu’il faut un grand essor des produits technologiques dans tous les domaines; nous sommes de plus en plus entourés d’appareils électroménagers intelligents, d’ordinateurs vestimentaires, de voitures sans conducteur, etc. Savoir les humaniser et les amener à améliorer la vie des personnes, voilà en grande partie la tâche du concepteur de produit.

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LCI Barcelona a présenté le master officiel en conception de produit technologique en même temps que le master officiel en création et développement de projets numériques et le master en conception expérimentale d’intérieurs (diplôme de l’école).